Vers MORON (30 juin et 1-2 juillet)

 

Au matin j'entre donc dans Ulaangom. Je me dis que mes connaissances sont trop faibles pour que je puisse me passer d'un guide. Je pars visiter la ville en me disant qu'à proximité du marché ou des arrêts de bus je vais bien trouver une solution.

La ville d'Ulaangom ne présente pas un grand intérêt en elle même. Elle permet de s'approvisionner en vivres et carburant. Donc c'est ce que je fais en premier lieu.

Je me gare à l'ombre non loin du marché. Un jeune gars vient discuter avec moi, mais il ne parle que quelques mots d'anglais. Je déambule en observant la ville. Et en face de moi arrive une femme vêtue à l'européenne qui porte des documents sous son bras. Je l'aborde et lui explique mon problème : il me faut un poisson-pilote jusqu'à Moron ! Elle me suit jusqu'au Patrol où cartes en main j'explique mon périple. OK me dit elle venez à mon bureau.

Elle travaille dans une institution internationale qui s'appelle Mercycorps et qui a pour objet le développement de la zone. Elle passe plusieurs coups de téléphone et me dit que c'est difficile. Puis appelle son mari qui arrivera quelques minutes plus tard. Nous allons d'abord au marché acheter un réservoir portatif, car en conditions difficiles le gros 6 cylindres est vorace. Je trouve un bidon de 20L assez résistant qui a l'air de bien fermer.

Elle m'explique sur le téléphone de son mari qu'il y a un minibus qui part à 15Heures et qu'elle va demander si je peux suivre. Pour moi c'est OK pour 15H heures. En attendant je les invite au restaurant, ce sera ma façon de les remercier et mon estomac crie famine ! Elle est originaire comme son mari d'une petite localité qui s'appelle Tes (sur l'est du lac Uvs Nuur) et a fait ses études à Ulan Bator.

En début d'après midi je les suis jusqu'à une institution protestante à partir de laquelle un petit fourgon emmène des adolescents vers Moron. Le pasteur, un jeune coréen d'une quarantaine d'années, vit ici depuis 14 ans, s'y est marié et a une adorable petite fille qui fait partie du voyage. Il embarquera avec moi.

Le chauffeur du petit fourgon de fabrication russe s'avèrera conduire aussi vite que celui de la jeep ! Nous quittons la ville à 15H40, le bitume dure quelques kilomètres, puis un pont puis un embranchement, il faut prendre à gauche. La piste longe le lac Uvs Nuur . Le pasteur fait faire un détour pour qu'on s'approche du lac. Le petit fourgon haut sur pattes est d'une vélocité incroyable. On finit dans du sable pourri. Je m'enlise dans sa trace mais la boite 4 me sort de là. Mes pneus sont trop gonflés pour rouler dans du sable, mais je ne veux pas dégonfler juste pour quelques kilomètres.

 

Le bord de l'eau est paradisiaque et je me dis que j'aurais aimé passer une journée là. Les adolescents commencent à se baigner tout habillés, et Frase les suit. Il est déjà 19H.

La piste est extrêmement poussiéreuse et à cause des multiples embranchements je ne veux pas perdre le fourgon de vue. A plusieurs reprises le chauffeur mongol s'arrêtera pour se faire confirmer ou se faire indiquer sa route . Il y a eu une erreur après le long arrêt en bord de lac et nous sommes trop sud, on va repartir en hors piste vers le nord sur une dizaine de KM.

La nuit tombe. Je peux compléter le plein de gaz-oil à Baruunturuom. ( station N 49°39 118 E 094 24 152) Nous arrivons à échanger un peu en Anglais avec le pasteur. Il suit le trajet sur une carte et il a l'air de bien connaître le pays. Il me demande si j'aime la cuisine mongole. Oui bien sûr, mais je ne comprendrai le sens de sa question que vers 11H du soir quand nous stopperons dans un village pour y déposer une jeune fille.

Nous traversons le village dans le noir. Les gers sont dans des enclos en bois. Il y a un ciel très profond, ici la pollution lumineuse est nulle. La mère accueille sa fille avec embrassades à la lumière des phares, et tout le monde est invité dans la yourte où elle a préparé un repas ! Bouillon, riz frit avec de petite morceaux de viande, soupe de macaroni au poulet. Et une ambiance familiale heureuse dans laquelle je suis accueilli avec naturel. Encore une heure de pur bonheur que j'immortalise par quelques photos que je leur enverrai sur tirage papier.

La yourte est soutenue par deux piliers en bois entre lesquels il n'est pas bien vu de passer. Le poêle sert au chauffage et la cuisine. Elle est meublée par des coffres en bois peint et les murs sont tendus d'un fin tissu et d'une tapisserie. On circule en chaussettes sur des tapis colorés.

Nous reprenons la route dans l'obscurité. Vers 1 heure du matin, arrêt pour sommeiller un peu assis derrière le volant.

Une pâle lueur annonce le lever du jour vers 3H du matin alors que nous roulons. Toujours un paysage somptueux, mais pierreux. Avant Tsetserleg, nous traverserons une région plus verte avec des sapins et des arbres. Le fourgon a une roue arrière crevée. Le changement de roue prend un peu de temps. Le chauffeur a l'air épuisé, il vient se reposer un peu dans ma voiture et le pasteur prend le volant du petit fourgon. Arrêt à Tsetserleg pour réparation de la roue crevée. Et il y a une petite station de carburant (N49° 31 519 E 097° 44 549). La réparation ne tiendra pas, car une dizaine de Km plus loin la roue est à nouveau à plat. Après changement de roue la piste à nouveau. Une fine poussière blanche s'est infiltrée partout. Il faut se méfier en sommet de colline d'arêtes pierreuses qui paraissent coupantes et menacent les pneus. Je passe dessus le plus lentement possible quand je ne peux pas éviter. Le fourgon tombe en panne et le chauffeur bricole je ne sais quoi dans son moteur pour le faire repartir. Pendant ce temps Frase se fait adopter par les ados. Nous franchissons le dernier col (hon hato) qui débouche au dessus d'une vallée verdoyante arrosée par la Delegermoron. Bien sûr on s'arrête pour se rafraîchir et Frase nous offre un numéro de natation ! Arrivée à Moron vers 17H. Il y a un hôtel qui s'appelle le 50°100°, presque placé à l'intersection de ce méridien et ce parallèle. Le pasteur m'aide à négocier le prix, car la réceptionniste ne parle que Mongol. J'ai besoin d'une bonne douche et d'un bon lit. (chambre avec Wc et douche 40.000 tigrit soit 22€) et ils prennent la carte bancaire. Étape de 708 Km

2 juillet

Il faut avancer sa montre d'une heure. Je fais laver la voiture intérieur et extérieur pour l'équivalent de 8€. C'est fait main au seau et au jet d'eau. En nettoyant le pare brise la jeune fille casse le support de rétroviseur. Le patron s'implique dans la réparation avec de la colle araldite chinoise pour réparer le plastique cassé et une vis neuve (total 10500 tougrit 6€).

Il fait très chaud. La ville n'est qu'à 95 M. d'altitude.

Vers Ulaangoom (29 juin)

 

Je quitte Olgy sous une pluie froide. Le petit supermarché n'offre qu'une seule marque de sardines russes, et un seul produit pour le reste. Le gas-oil est à 19.000 tigrit soit 1€ 08 le litre.

Je reprends l'itinéraire inverse jusqu'à Tsagaannurr. Sur ma gauche des chameaux ! J'en verrai à plusieurs reprises.

Deux motards Belges rencontrés hier soir et qui ont dormi dans le même hôtel me dépassent. On se salue au klaxon. Ils ont parcouru l'itinéraire en sens inverse et par la route sud. Et ont vécu pas mal de galères bien que parfaitement équipés et avec une BM1200 et un KTM. On a échangé quelques infos. L'un d'eux avec cet inimitable accent belge m'a dit : « On ne savait pas ce que c'était. Maintenant on sait. Mais c'est ça qu'on était venu chercher ». Je salue leur courage de rouler seuls dans les conditions climatiques et de route de ce pays. Je les rejoins plusieurs KM plus loin. Une moto a crevé, ils réparent sous la pluie! Je ne suis d'aucune utilité; après discussion je les laisse finir leur réparation.

Après Tsagaannurr la route part vers l'Est en traversant un défilé très sauvage . Il fait beau et chaud. Le fond de vallée est vert et des troupeaux cherchent les meilleurs endroits. J'aperçois plusieurs « ger » (*) et quelques cavaliers.

A la sortie du défilé la piste débouche dans une steppe parfaitement plate et caillouteuse. Je suis un point GPS mais la piste offre de multiples embranchements. Il y a une ligne électrique, elle doit bien aller quelques part. Au bout d'un moment j'aperçois un camion arrêté en train de réparer je ne sais quoi. Je descends pour demander ma route. On m'explique que je suis trop au sud et que la piste est plus au nord. Un gars en cyclo qui roule avec le camion me fait signe de le suivre. On part en hors piste, puis il suit une piste puis à nouveau en hors piste etc. Au bout de 10 mn il s'arrête et m'indique la direction. Je le questionne sur les embranchements. Il est évasif je comprends qu'il n'y en aurait que deux? Dans ce désert les distances sont trompeuses. Je vois la poussière soulevée par un véhicule et instinctivement j'incline ma direction vers cela , mais c'est à plus de 10 ou 15 km!!Plusieurs Km plus loin j'arrive sur une petite rivière. C'est un peu profond il y a du courant et la rive opposée est escarpée. Il est 16H . J'ai du carburant, mais je me dis que mes connaissances du terrain s'avèrent insuffisantes et qu'il vaut mieux faire preuve d'humilité . Je décide de reprendre ma piste en sortie de défilé là où je me suis trompé.

Le gps me permet de suivre ma route en hors piste vers ma trace. Je tombe sur une sorte de tranchée pas franchissable, mais il y a une piste qui permet de partir dans une direction satisfaisante. Et je vois trois personnes qui ont l'air de travailler sur une autre tranchée. Je m'arrête à nouveau. Ils m'expliquent avec la carte où je me trouve. Et me demandent si avec le 4X4 je peux les aider à sortir un tube en béton qu'ils ont déterré. OK je recule le véhicule, ils accrochent leur corde, j'embraye et la corde casse ! C'est rien disent-ils l'essentiel est d'avoir essayé, ils me font signe que je peux partir.

Bon me voilà à la sortie du défilé de ce matin. Deux jeep de fabrication russes arrivent en sens inverse. Je sors demander la direction d'Ulaangom. Le chauffeur de la première jeep me dit qu'il n'y va pas, mais que la seconde jeep y va. Je demande au chauffeur de la seconde jeep si je peux suivre. Il acquiesce. Ils sont empilés à 8 dans ce véhicule et l'un d'eux vient faire passager avec moi.

 

Je fais demi tour et là s'engagent plusieurs heures de roulage. Ces jeep russes ont une tenue de route insolente et leur chauffeur les manient avec dextérité. Comme j'ai de la puissance j'arrive à suivre mais assez souvent je vais souffrir !

Au premier carrefour il s'engage sur la piste de droite ( j'avais pris à gauche...) et file à toute allure.

 

Les paysages deviennent sublimes. La lumière du soir colore en rouge des rochers immenses qui émergent de la pierraille. En fait nous ne suivons pas la route que je m'étais fixée, mais une route qui est plus directe et passe au sud du lac l'Achit mur. La piste n'est pas indiquée sur ma carte mais le Mongol roule avec une totale assurance. Premier col à plus de 2000M. Descente sur un gros village de yourtes étalé le long du lac. Ils me font comprendre que ils souhaitent diner là. Mais la yourte qui tient lieu d'auberge est fermée.

Nous menons à nouveau un train d'enfer dans un paysage somptueux. Quelques minutes d'arrêt au bord d'une rivière pour se délasser. Ils viennent regarder l'intérieur du Patrol et mon appareil photo suscite des commentaires... La nuit tombe vers 10H. La conduite devient plus difficile, car la voiture qui me précède soulève un beau nuage de poussière. Ils sont deux chauffeurs à se relayer. Je comprends qu'il s'agit d'une famille et que celui qui semble posséder la jeep est militaire. Il vient se reposer dans ma voiture pendant que nous roulons et m'explique que nous allons franchir un col et être très secoués !

Effectivement ça secoue ! Plus d'une demi heure de montée. J'utilise à plusieurs reprises la boite courte et le capot se lève complètement dans certains passages. Au bout de quelques temps mon voyant d'huile s'allume sporadiquement. Je suis inquiet mais je pense que les angles que subit la caisse en sont la cause, car le niveau était bon ce matin. Le sommet n'est plus très loin. Je remets de l'huile par sécurité. Ils m'en demandent aussi. Je ne sais pas si ce qui est valable pour le diésel l'est aussi pour un moteur à essence, mais comme il y a écrit « sport » sur le bidon ils estiment que c'est bon. Le col est à plus de 2000 M et il y a un énorme « ovo ».

Nous croisons quelques autres véhicules dont des camions qui transportent je ne sais quoi vers je ne sais où dans la nuit et dans la poussière.

Nous dévalons un col, puis soudain virage à droite et il y a du bitume sous mes roues ! La jeep s'arrête, une des filles vient me dire que maintenant il faut payer le pilotage. Surprenant mais compréhensible. On discute un peu et je roule vers Ulangoom qui n'est qu'à quelques kilomètres. Je passe devant le parking vide d'un aéroport ultra moderne planté en plein désert. Il est une heure et demi du matin je décide que ce sera un lieu parfait pour dormir.

Etape de 406 KM. Demain matin je photographierai le reflet du Patrol dans les vitres de l'aéroport.

(*) Ger : nom de la yourte en Mongolie

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Enfin La Mongolie (28 juin)

 

C'est la première fois que je passe la nuit sur un parking cadenassé. Donc malgré la pluie et le vent à 1700 mètres d'altitude, j'ai dormi d'un sommeil angélique. Et ce matin formalités de passage en douane. C'est un peu déroutant, mais finalement pas compliqué. Dans ces situations il y a une solidarité du touriste qui se crée spontanément face aux formalités et aux difficultés de la langue : les formulaires sont là-bas, là c'est le N° du passeport etc.

Une femme douanier vient inspecter ma voiture, puis autorise la sortie. Je suis d'ailleurs étonné par l'extrême féminisation de cette administration. Mais elles sont très professionnelles, d'une tenue impeccable et sympa.

Je prends l'assurance du pays pour 780 roubles. Le préposé est assez fier de se faire photographier à coté de ma voiture !

Et vers 10H30 j'emprunte la piste. La voiture tremble de tous ses boulons sur de la tôle ondulée en cailloux. Bien que le temps reste maussade je découvre des points de vue splendides. Les premiers nomades et leurs gers apparaissent au milieu des pâtures. Je grimpe vers un col (shine davan) à plus de 2300 M. Il y a un grand ovo. C'est un tas de pierres que chaque passant se doit d'augmenter de sa propre pierre. C'est saluer l'esprit du lieu et lui demander sa protection.

La piste est par moment assez effroyable, car c'est une nouvelle piste en cours d'empierrement. Puis à une cinquantaine de km d'olgy la piste débouche sur une route goudronnée parfaite.

Olgy est une petite ville tranquille qui est la porte d'entrée par l'ouest en Mongolie. En effet ici on trouve des hôtels , des banques, du carburant, tout ce dont le voyageur a besoin. Elle a un marché assez important. Sa visite m'intéresse, car je vais m'y acheter une paire de bottes. En effet les baskets sont totalement inadaptées. Pour 30.000 tugrik soit environ 18E je me chausse en cuir souple pour affronter ce pays !

La banque à laquelle je me rends pour changer de l'argent est très animée. Et là encore tous les guichets sont tenus par des femmes! Il faut prendre un ticket et attendre que son N° s'affiche sur le guichet ad hoc. Cela me donne le temps d'observer une population qui est très typée. Dans cette région au XIX siècle deux tribus du Kazakhstan sont venues s'installer et ont fait souche. Il y a donc une particularité ici qui explique les véhicules kazack qui passaient la frontière avec nous.

vers la Mongolie (27juin)

J'ai repris la route vers Aktwach avec le sentiment d'être passé à coté de quelque chose. Mais j'aurai au moins appris que la piste se continue sur au moins 150 km après cette localité. Je rencontre un troupeau de chevaux très beaux dans le soleil levant. La route est extraordinairement belle mais dangereuse. Elle suit un vaste plateau légèrement incliné. Le paysage devient plus minéral avec l'altitude. La température diminue. Je complète mon plein de gaz oil à la dernière station indiquée sur ma carte. Je parcours cette petite localité , dès qu'on quitte l'axe principal les rues deviennent des pistes. Il y aura encore deux autres pompes et même une à Tachanta. Je stoppe derrière la file de voiture qui attend patiemment devant l'enceinte de la douane russe. Ça passe lentement. Il y a deux voitures françaises ! On discute, ils font partie d'un groupe de 14 voitures qui emprunte à peu prés le même itinéraire que moi. J'attends presque deux heures. A 17H40 c'est mon tour. Refoulé. je n'ai pas fais viser ma sortie par l'immigration ! Je m'y précipite. Fermé me dit le préposé. Dépité je rejoins ma voiture lorsque le préposé me rattrape et me fait comprendre que exceptionnellement il va donner le coup de cachet salvateur ! Je regagne la douane russe où je rédige comme je peux le formulaire de sortie pour la voiture. Finalement je sors de l'enceinte douanière à 18H30. La route monte à 1770 mètres dans un paysage splendide. Puis on arrive à une grille où un militaire en armes me prend mon passeport. Après vérification le portail s'ouvre et c'est de la vraie piste en terre pleine de trous sous mes roues. La piste cahote sur quelques kilomètres jusqu'aux locaux assez modernes de la douane Mongole. Une douanière prend mon passeport et m'envoie me parquer avec d'autres voitures. Les bureaux sont fermés et n'ouvrent que demain. Nuit sur un parking venté .